Aujourd’hui, je rentre.
Le 438 ème jours de voyage, le dernier. Le 17ème pays. Les dernières heures que j’ai devant moi me paraissent être aussi précieuses que chaque souffle. Je regarde les minutes défiler sans savoir si je dois courir dans Katmandou pour tout visiter ou rester assise là, à profiter.
L’enthousiasme de revoir les gens, qui m’habitait encore quelques jours avant, a complètement disparu sous une anxiété sourde. Ce n’est pas tant de retrouver les gens et leur projection de moi, ni de revenir dans cette société dont je ne me sens plus appartenir qui me font peur, mais probablement de devoir m’affronter moi-même dans un terrain rempli d’anciens repères et mécanismes.
Celle qui est partie il y a 14 mois n’est pas celle qui renvient aujourd’hui. Je suis pourtant toujours la même, je me sens juste mieux. J’ai vécu de nombreuses expériences et surtout rencontres qui m’ont permises d’évoluer et de grandir. 438 jours que je vis sans masques, sans projections, sans attentes. Juste moi. Juste qui je suis. Alors que j’ai passé de nombreuses années à chercher à m’aimer à travers les yeux de la société, il m’aura suffit d’un an pour y arriver sans le moindre effort.
Ce sont ces masques qui me font peur. Ces projections à soi et aux autres. Ces jugements constant que l’on s’impose pour je ne sais quelle raison, si ce n’est celle de correspondre aux stéréotypes d’une société exigeante. J’ai peur, par réflexe de survie ou d’intégration, de retomber dans la marmite les yeux fermés. Je ne veux plus passer mon temps à scanner et juger le look des autres, leur poids, taille, mensurations, comportement, intelligence, humour, histoires, tout ça pour me rassurer moi-même, pour me conforter dans le fait que je ne suis pas au bas de l’échelle du jeu social. Je ne veux plus chercher les compliments, ni les refuser d’ailleurs. Je ne veux plus que les mots de quelques uns puissent influencer ma journée en positif comme en négatif. Je ne veux plus me donner un genre, parce que j’aimerais que les autres me voient comme ci ou comme ça. Je ne veux plus apporter autant d’importance aux regards des autres. Je ne veux plus rien avoir à faire avec la compétition. J’aimerais pouvoir continuer à accepter les autres tels qui sont et rester bienveillante à leur égard. Je ne veux pas demander aux autres de changer. Chacun son chemin, ses expériences et surtout sa manière d’en apprendre quelque chose, qui suis-je pour juger ça de toute façon ? J’ai eu la chance d’apprendre beaucoup sur moi et sur les autres pendant ma vie et surtout pendant ce voyage. J’aimerais pouvoir continuer à dire merci au lieu de pardon.
Je pourrais écrire un discours tel qu’on en voit à la télé sur la paix dans le monde et l’entraide, mais je ne le ferai pas. Non pas que je ne le souhaite pas, mais parce que les seuls changements que je peux apporter viendront de moi.
Je prends l’avion ce soir et j’arrive demain matin, 24 décembre, à Genève. Je reviens dans cette société qui m’a donné tant de mal auparavant et je suis curieuse de voir ce que ma version 2.0 en fera. Oui j’ai peur, mais je suis confiante aussi. J’ai grandi et c’est un acquis. La seule chose sûre que me réconforte à l’heure actuelle est de savoir que je repartirai. De savoir que la vie continuera à être remplie de rencontres, dures comme magnifiques. Que je resterai tant que je peux celle que je me suis surprise à aimer ces derniers mois. Ce voyage se termine peut-être aujourd’hui, mais une bien plus belle aventure vient de commencer.
Un dernier message aux amis que j’ai eu la chance de rencontrer en route : ne m’attendez pas, car je reviendrai.